Cinq ans plus tard

Mars 2020, le pangolin et/ou une cabale de l’ombre sont responsables d’une déferlante d’un nouveau genre dans nos sociétés modernes : La covid 19, pandémie mondiale.

On en parlait à la maison il y a quelques jours, des souvenirs remontaient. On se rappelle des termes, des images :

Il y a cinq ans, cette grippe asiatique devenait plus qu’une simple blague et le monde réagissait globalement de la même façon. Un confinement massif des populations pour tenter d’enrailler la propagation.

On évita alors d’alourdir le drame, le nombre de morts, bien qu’après coup la forme, du moins en France, n’était probablement la bonne, trop répressive et discriminatoire. D’autant que des études ont démontré que les réels leviers ayant agi sur la propagation de la pandémie étaient la fermeture des écoles et des lieux de travail ainsi que la limitation des rassemblements.

Et pour autant, devant une pandémie, ne peut-on pas entendre que les dirigeants soient pris de panique également ? Ne sont-ils pas aussi des Hommes ? N’ont-ils pas, eux-aussi, fait des stocks de papiers toilettes ?

On vit pareillement des mouvances se dessiner. Des gens profitant du confinement pour faire le point sur le bonheur, la vie, le travail. Il me semble que quelque chose a changé alors que le monde ralentissait. Cela va peut-être de paire avec l’évolution de la société d’un point de vue général. Je trouve que cela est un bon point. Faire ce qu’il nous plait, être heureux ou du moins faire tout pour l’être.

À l’opposé, on vit des personnes tomber dans le complotisme. On se rappelle à Bill Gates et ses puces 5g dans les vaccins, à tout ce qu’on a pu entendre sur ces derniers, qu’ils tuaient1, qu’ils ne servaient à rien, car on pouvait toujours tomber malade.

Je me rappelle une conversation, après les confinements, avec des amis de l’époque. Une conversation assez virulente sur la faute de l’État, les mensonges sur la gravité de la covid. Une conversation avec deux personnes travaillant dans un hôpital, devant un autre ami médecin, atterré, quant à lui dans une zone précaire… Je ne les ai plus revus. Pas possible, impensable même.

Je suis ouvert au dialogue, au débat. Hors, je refuse catégoriquement que l’on minimise l’impact d’une maladie, son issue potentiellement fatal, ses répercutions (covid long) alors même que les preuves étaient là.

Et d’un point de vue sociétal, on en a oublié de faire le bilan. Il y avait une différence, et elle existe toujours, entre un confinement à 5 dans une grande maison de campagne, avec livres, jeux, piscine, chemins dans la forêt sans risques de contrôles, et un confinement à 5 dans 45m², au huitième étage, sans parc où l’on peut librement marcher, sans distraction possible, sans possibilité de s’échapper via Internet alors qu’il n’y a qu’un ordinateur, voir qu’une tablette dans le foyer.

+5

Cinq ans plus tard, le monde a changé. L’ancien monde, à qui on promettait un destin funeste pour voir émerger un nouveau plus utopique, est toujours là et peut-être même plus ancré qu’auparavant.

Les prises de conscience furent passagères : On se rappelle le retour de la nature, libre de l’emprise humaine. Notre émerveillement à redécouvrir que le monde pouvait s’en sortir sans nous. Notre émerveillement à redécouvrir les choses simples. Notre émerveillement à redécouvrir le plaisir de la cuisine, du temps long. On se rappelle l’importance des métiers de la santé dans nos sociétés. On les applaudit même tous les soirs. On prit conscience des réels enjeux de la prévention et des bons gestes pour l’hygiène, des vaccinations. On vit alors les maladies hivernales reculées, y compris lors du déconfinement et du retour à l’école pour les enfants.

Un point de rupture.

Fake news, mensonges, désintérêt, individualisme, stigmatisation. L’utopie n’aura pas duré, on en ressort divisé, affaiblie en tant que collectif.

Et puis ? Qu’est-ce qui a perduré de ces douces révélations ?

Les soignants sont toujours autant dénigrés, bien qu’ayant été revalorisé au niveau salarial, il n’empêche que le vrai problème perdurent et notamment en EHPAD. Pas assez de personnel pour pouvoir s’occuper décemment des résidents/patients. La grippe a fait des ravages cet hiver.

Alors que certains sont plus heureux dans un nouveau travail, on en oublie l’essor des plateformes de livraison, des travailleurs de l’ombre qui, d’une certaine façon asservie, pédalent et roulent pour une misère afin de livrer du réconfort fictif pour les nouveaux citoyens. (À reformuler)

Les plateformes d’Internet engrangent des milliards, et le public minimise sa participation, tombe dans le panneau à chaque nouvel arrivant.

Le retour de régimes autocratiques et du fascisme est présent un peu partout. Les discours se durcissent et l’Autre est régulièrement stigmatisé, vu d’un mauvais œil, à cause de ses idées, ses coutumes, sa peau.

Perso

Dans l’EHPAD où j’exerce, nous avons eu de la chance, épargnés jusqu’en 2022. Un sort assez incroyable quand on voyait continuellement les aitres établissements touchés. Les soignants malades et surtout les résidents perdant la vie, parfois plusieurs le même jour.

Une situation qui, personnellement, m’a beaucoup travaillé au début dès lors que j’avais une semaine de vacances ou quelques jours de repos. Et si en revenant ? Fort heureusement, il n’en fut rien.

En revanche, être seul sur la route fut un bonheur, prendre le temps. Avoir cette chance de respirer et de se promener un peu en allant ou en rentrant du boulot.

Et puis les discussions entre collègues devinrent compliquées sur certains sujets. Je fus pour ma part fort impacté de prendre conscience du taux de désinformation dans le monde soignant. Tout du moins là où j’exerce. Et en y réfléchissant bien, ce fut un point de rupture personnel également. La rupture dans la croyance en un monde tout beau, une rupture peut-être dans l’espoir d’une unité heureuse, de temps nouveaux.

D’un point de vue personnel, le monde d’après est quelque-peu présent chez moi.

J’essaie de cuisiner plus, avec des produits locaux. J’ai la chance d’avoir du terrain et je tente de cultiver tranquillement des légumes.

Moins d’appareils électriques ou thermiques et un retour au fait-main, une augmentation de la lenteur, une forme de paresse du progrès. Ce n’était pas mieux avant, mais y prendre quelques idées peut faire du bien.

Alors cinq ans plus tard, beaucoup de désillusion certe, mais toujours cette petite lueur d’espoir qui persiste. On ne sait jamais, sur un malentendu ça peut passer non ?