Le Temps des ermites

La procession serpentait les rues de Maät alors que les badauds sortaient des bâtiments pour rendre un dernier hommage à leur défunt roi.

On entendait les essieux craquer sous le poids de la calèche. Les roues en bois heurter les cailloux sur la route. L'air était chaud, sans vent pour venir rafraîchir la lourdeur de l'évènement. Les soldats devaient cuire sous leur armure.

Maät vibrait d'une atmosphère sombre, une tristesse ambiante installée depuis que le roi était parti rejoindre ses aïeux. La route qui menait jusqu'au temple était encore longue. La peine de la cité immense.

Le cortège avançait, d'une régularité chirurgicale. Les badauds venaient, effectuaient une révérence, lançaient un bouquet, une pièce, un objet, puis restaient là. Cuisant sous le soleil de plomb. Songeant au devenir incertain de leur cité.

Au détour d'une ruelle on entendit un murmure, le mot s'échangea alors à une vitesse exponentielle et un silence tomba sur la ville. Il ne restait plus que le craquement des essieux et le bruit des roues, le cliquetis des chaînes et le bruit des bottes sur les pavés.

Au loin, parti du Temple, un autre cortège faisait le chemin inverse. Point de calèche, simplement des hommes et des femmes, habillés simplement, qui avançaient avec ce rythme si parfait. Sans faire un bruit ils croisèrent le cortège funéraire, certains levèrent légèrement la tête, le capuchon tombant laissait entrevoir des regards vifs, des regards emplis de déterminations, une once de défi même.

Les ermites quittèrent alors la ville, laissant derrière eux le passé. Ils abandonnèrent Maät et son commerce florissant, Maät et son rayonnement, Maät et sa lignée royale, Maät la plus belle ville d'Iomadach.

Ils parcoururent ainsi des centaines de kilomètres, traversèrent les plaines de Meudach, croisèrent Elofivir et son armée marchant vers une énième bataille. Ils empruntèrent le pont de l'Aurore, dormirent dans les décombres d'Ōnalt, et puis un jour ils s'arrêtèrent.

En se retournant l'un d'entre eux admira la vue. Les montagnes au loin se jetaient dans l’océan et les plaines et vallons qui séparaient ces dernière de la chaîne où ils se trouvaient laissaient entrevoir toute la richesse qu'offrait Iomadach. Où du moins une grande partie.

On raconte que ces ermites ne furent plus vu pendant des années, qu'il arrivait cependant qu'un d'entre eux descende parfois de la montagne et pénètre dans un village pour y déposer un manuscrit et un panier de fleurs sauvages.

On raconte que leur lieu de retraite n'était jamais accessible, qu'il semblait parfois proche et pourtant nul n'y arrivait jamais.

On raconte que les manuscrits détaillèrent le passé sous un angle nouveau. Mettant en lumière des événements oubliés. Qu'ils abordaient le futur avec une précision si parfaite qu'il était souvent impossible de tout saisir avant que les évènements se produisent.

Et pourtant ces manuscrits n'évoquaient jamais la mort, la haine ou la malice. Jamais il ne parlait de possession, de conquêtes ni de bataille. Ils étaient purs, l'essentiel.


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